L’ industrie du soja est en pleine croissance. En effet, au cours des 20 dernières années, la production mondiale a plus que doublé pour répondre à la demande mondiale en produits animaux. Nous pourrions penser que c’est une bonne chose mais notre appétit pour la viande et les produits laitiers nécessitent toujours plus de cultures de soja et cela a malheureusement de graves conséquences : pollution des eaux par les pesticides, augmentation de l’érosion des sols, destruction des forêts, destruction de la biodiversité.
Savez vous que nous faisons partie de cette biodiversité ? Celle-ci regroupe tout le tissu vivant de notre planète : animaux, humains, plantes, arbres, bactéries… Toutes ces formes de vie interagissent entre elles et ont besoin les unes des autres. Si une forêt est détruite alors c’est aussi l’habitat des indigènes et des animaux qui est détruit.
Pas de bétail, pas de soja
Imaginez l’Afrique du Sud recouverte de soja, incongru n’est-ce pas ? Pourtant c’est la superficie nécessaire pour répondre à la demande mondiale en soja. Selon le rapport sur la déforestation importée du WWF publié en 2018, la production de soja a triplé depuis 1990. En 2016, elle a atteint 335 millions de tonnes de soja mangeant 122 millions d’hectares.
Quid de l’Union Européenne (UE) ?
L’UE importe environ 33 millions de tonnes de soja par an pour la viande, les œufs et les produits laitiers. Une personne en Europe occidentale consomme en moyenne par an plus du double de la consommation moyenne mondiale soit :
- 85kg de viande : environ 42 poules par an
- 260kg de produits laitiers
Dans les infographies ci-dessous, le rapport de Greenpeace nous apprend que le Brésil (37%) et l’Argentine (29%) sont les deux principaux pays exportateurs. Le soja est utilisé en grande majorité pour nourrir les animaux (87%) avec une prédominance pour la volaille (50%) puis les porcs (24%). Attention car il existe également du soja caché dans le fromage, les hamburgers, les oeufs, etc…
Et la France ?
Notre cher pays importe environ 4,8 millions de tonnes de soja par an (1,6% de la production moyenne) dont 78% est à risque de déforestation. Notre consommation nécessite l’équivalent de 3 fois le département de la Gironde (3 millions d’hectares).
Le soja, un goût amer de déforestation et de destruction des écosystèmes
Pour venir à bout de la demande, les forêts et les écosystèmes sont détruits et transformés en monocultures. Les industriels utilisent de plus en plus des pesticides polluant les eaux et aggravant la perte de biodiversité. Pour mieux comprendre les conséquences de notre surconsommation, plongeons nous au coeur des systèmes en périls.
L'Amazonie, que reste-t-il du fameux "poumon vert" de notre planète ?
Si je vous dis Amazonie, à quoi pensez-vous ? Sans doute et je l’espère à une immense forêt remplie d’une flore et d’une faune impressionnante et diversifiée. C’est effectivement le premier biome* (est un ensemble d’écosystèmes caractéristique d’une aire biogéographique) végétal du Brésil, souvent considéré comme le poumon vert de notre planète. A lui seul, il abrite 10% de la biodiversité mondiale : des tribus indigènes, plus de 40 000 espèces de plantes, des milliers d’espèces forestières et de poissons, des reptiles, des rivières, etc…
Malheureusement l’Amazonie c’est aussi le lieu d’une intense déforestation :
Entre 2004 et 2006, 30% des nouvelles plantations ont été installées à la place de la forêt tropicale. Selon le WWF, entre 2004 et 2017, l’Amazonie a perdu 15,4% de son couvert forestier. Des feux sont aussi déclenchés volontairement pour enrichir les sols et délimiter les champs. Ces feux non contrôlés gagnent les forêts à proximité amplifiant le phénomène de déforestation.
Pour faire face à cette déforestation, le moratoire du soja a été signé en 2006. Les signataires se sont engagés à ne plus acheter, commercialiser et financer su soja issu de zones déforestées après 2008. Ce moratoire a relativement bien fonctionné car depuis le soja est responsable de 1,2% de la déforestation. Cependant la production de soja a continué de croitre, depuis 2006 plus de 35 000km² d’hectares ont été utilisées pour la culture du soja. Sans déforester, les industriels se sont rabattus sur les terres où le bétail paissait. Soulevant un nouveau problème, où nourrir le bétail ? Sur de nouvelles zones souvent boisées !
L’Amazonie n’est pas la seule région touchée, le Cerrado et le Gran Chaco subissent aussi d’importantes déforestations.
La savane abritant la plus grande biodiversité est en danger
Le Cerrado est une savane recouvrant plus de 20% du territoire brésilien. Ses prairies recouvraient autrefois l’équivalent de la moitié de la superficie de l’Europe. Il est le deuxième plus grand biome végétal du Brésil.
Mais c’est aussi une région victime d’une destruction encore plus rapide de sa biodiversité que l’Amazonie. Les forêts et prairies sont aussi transformées en champs de soja pour le bétail. Elle a perdu environ la moitié de sa végétation soit 88 millions d’hectares, rien que l’équivalent d’un pays comme le Venezuela. Le plus dramatique est qu’il ne lui reste que 20% de sa végétation d’origine. Entre 2013 et 2015, le Cerrado a perdu l’équivalent de 13 fois la taille de Londres.
Pire encore est la région du Matopiba au sein du Cerrado qui couvre 738 000km². Entre 2007 et 2014, les 2/3 des nouveaux champs de soja ont été plantés sur des zones forestières et de la végétation naturelle. Les responsables ? Des négociants signataires du fameux moratoire sur le soja comme ADM, Bunge, Cargil.
Le Gran Chaco, plus grande forêt sèche d'Amérique du Sud part en fumée
Le Gran Chaco abrite la plus grande forêt tropicale d’Amérique du Sud et est la deuxième plus grande forêt après l’Amazonie. Comme sa grande soeur, le Gran Chaco est fortement déforesté. Entre 1976 et 2011, 28,9 millions d’hectares de forêts primaires (forêts vierges non touchées par l’Homme) ) et de prairies ont été converties. En 2017, 23% de sa superficie était dédiée aux cultures et pâturages.
Quand le soja joue avec les droits humains
Quand la demande en soja des occidentaux rend malade
La déforestation n’est pas la seule responsable de la perte de biodiversité, les pesticides le sont aussi. Ils sont également nocifs pour la santé.
Environ la moitié de la production du soja utilise des OGM et des pesticides et plus de 95% du soja est transgénique au Brésil et en Argentine. L’avantage de ces plantes génétiquement modifiées (PGM) est de résister aux herbicides. Ainsi au Brésil, 40% du soja génétiquement modifié résiste au glyphosate et 60% résiste à la fois au glyphosate et à l’insecticide Intacta de Monsanto. En Argentine, même constat avec respectivement 83% et 17%.
Toutes ces pratiques sont interdites au sein de l’UE mais nous importons quand même du soja GM de ces deux pays, attitude hypocrite inacceptable.
Par ailleurs, l’OMS a classé le glyphosate comme « probablement cancérigène pour l’être humain ». Depuis 2017, le Rapporteur du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme et les autorités brésiliennes ont relaté 5 501 cas d’empoisonnement, le double en 10 ans. Et dans un rapport de l’ONG Human Right Watch, en 2018 des exploitants ont été exposés aux pesticides pendant l’épandage aérien.
Quand la faim des occidentaux viole les droits des autochtones
Qui sont les autochtones (ou indigènes) ? Selon l’UNESCO, ils détiennent et occupent 22% des terres. Ils sont environ 370 à 500 millions et représentent plus de la moitié de la diversité culturelle du monde. Ils sont aussi les créateurs des quelques 7 000 langues vivantes. Mais la faim des occidentaux pour le soja entraine un accaparement de leurs terres, leur marginalisation et la violation de leurs droits.
Au Brésil, les indigènes subissent l’accaparement de leurs terres, des déplacements forcés, des servitudes pour dettes et autre formes d’esclavage, des violations de leurs droits fondamentaux. Les gouvernements sont contre eux, c’est ce que souligne le rapport de Human Right Watch :
» Ainsi, le président Bolsonaro et ses alliés au Congrès ont promu un projet de loi visant à empêcher les peuples autochtones d’obtenir la reconnaissance légale de leurs terres traditionnelles s’ils n’étaient pas physiquement présents sur ces terres le 5 octobre 1988 (lorsque la constitution du Brésil a été promulguée) ou s’ils n’avaient pas, à cette date, engagé des poursuites judiciaires pour les réclamer. Une affaire visant également à bloquer les droits fonciers autochtones était en même temps devant la Cour suprême en novembre 2021. Pendant ce temps, les territoires autochtones ont continué de subir des empiètements illégaux. La superficie occupée par l’exploitation minière illégale a été multipliée par cinq entre 2010 et 2020 au détriment des terres autochtones, selon l’ONG Map Biomes signalés. Des mineurs « Wildcat » ont cherché à empêcher une opération d’application de la loi à Munduruku, territoires indigènes et attaqué une association de femmes Munduruku et une maison du chef en mai 2021. Dans le territoire indigène Yanomami, des mineurs ont tiré sur des indigènes et la police fédérale dans plusieurs incidents. Deux enfants Yanomami qui avaient échappé à une fusillade ont été retrouvés noyés en mai et un avion utilisé par les mineurs a frappé et tué un indigène en juillet. «
Et nous ?
Face à ces déforestations, il est de notre devoir d’agir afin de pouvoir vivre dans un environnement supportable et de donner aux générations futures un monde vivable avec une riche biodiversité. Pour cela il est nécessaire de réduire la consommation de produits animaux qui en excès est néfaste pour notre santé. Il faut privilégier les produits certifiés notamment Agriculture Biologique.
Nous pouvons également exiger des distributeurs et marques qu’ils s’engagent à utiliser du soja responsable sur l’ensemble de leur filière d’approvisionnement. Lors de nos achats, nous pouvons favoriser des produits à base de soja certifié RTRS ou ProTerra.
Si vous souhaitez vous battre, vous pouvez rejoindre des associations qui luttent comme le WWF, Greenpeace, etc..
Rédacteur : Tiphaine Bergot