Avis à tous les amateurs de podcast ! Solastalgie est une véritable claque audio à connaître de toute urgence. Des témoignages bouleversants se succèdent au micro de la talentueuse journaliste environnementale Flora Trouilloud. Décryptage d’une série criante d’actualité.
La “solastaquoi” ?
Cette nouvelle bête curieuse fait ses premiers pas dans les années 2000. Encore aujourd’hui peu connu du grand public, le terme “solastalgie’ tend pourtant à s’imposer pour décrire un mal très spécifique : celui de voir son environnement familier défiguré par le changement climatique. Son intégration dans le dictionnaire français ne semble pas être pour tout de suite… et pourtant !
Ce joli néologisme né grâce au philosophe Glenn Albrecht fait état d’une triste réalité de plus en plus répandue en France. La fonte des glaciers ou encore l’érosion accentuées par le dérèglement climatique modifient profondément le visage connu de la France. Les premiers touchés par le phénomène sont alors les locaux, parfois très attachés à l’environnement dans lequel ils ont grandi.
Un podcast comme mémorial des paysages
A travers le podcast Solastalgie, Flora Trouilloud part à la rencontre de ces habitants qui assistent à la mutation de paysages qu’ils ont toujours connus. Plutôt qu’un sentiment d’éco-anxiété, la “solastalgie” décrit davantage ce que ressentent déjà de nombreux Français et Françaises. La série témoigne en effet d’une inquiétude du présent et non seulement, du futur. “J’ai senti qu’il y avait un vrai sujet à faire sur le lien entre la santé mentale et l’écologie” explique la créatrice du podcast.
Pour honorer la mémoire de paysages en voie de disparition, monsieur et madame tout le monde témoignent avec émotion des souvenirs qui y sont associés. Au premier épisode, l’auditeur doit enfiler ses vêtements les plus chauds. Il est invité dans les hauteurs des Alpes aux côtés de Fredi Meignan, propriétaire d’un refuge. “La Meije, je suis un peu amoureux de cette montagne. Elle est plus que belle, elle me procure des émotions” se confie l’alpiniste.
Après les déclarations d’amour, chaque fois, le paysage s’assombrit. Le changement climatique menace les lieux tant aimés de ses habitants. Fredi Meignan se livre sur la transformation de sa montagne suite à un écroulement :
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J’étais pas bien, j’avais presque envie de crier : “putain, regardez ce qu’il se passe là-haut ! Moi, je vois l’ouragan climatique arriver”
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Interrogés aux quatre coins de la France, ces “solastalgiques” sont en effet unis par une envie déchirante, celle de crier. L’audio-naturaliste, Noémie Delaloye a pris l’habitude de se rendre en Norvège pour enregistrer les sons d’une colonie de mouettes tridactyles. Elle se désole dans l’épisode “Printemps Silencieux” de leur désertion récente : “On a envie de crier, de dire “stop”, faut qu’on arrête les dégâts”.
Un sentiment de colère et d’injustice envahit ces amoureux de la nature. “Je souffre pour la mer, pour la plage… Pour tout ce qui a été et qui n’est plus” souffle Amalia Romero, une habitante de 94 ans dont la maison est menacée par la montée des eaux.
La journaliste craignait “la difficulté de réussir à toucher le public sur des phénomènes assez invisibles pour la plupart des gens”. La narration parvient à la surmonter haut la main et propose une approche très humaine des problématiques environnementales.
Une arme contre la menace d’”amnésie environnementale”
“Je dirais que l’amnésie environnementale désigne un oubli progressif de génération en génération de l’état “normal” de la biodiversité” tente de définir Flora Trouilloud. Aujourd’hui, de nouvelles normes s’installent, comme celle de ne plus voir d’étoiles en ville à cause de la pollution visuelle. Solastalgie remet en question cette dégradation de notre environnement devenue presque intériorisée et inconsciente chez chacun.
Crédit d’illustration : María Medem
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C’est difficile de transmettre à plus jeune que soi “comment c’était avant”, ils ne le ressentent pas dans leur chair.
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Flora Trouilloud
En bref
La série de Nouvelles Écoutes permet de dresser un constat frappant. La France se fragmente entre la population déjà touchée par les conséquences du changement climatique et celle qui n’en prend pas encore la mesure. Le podcast endosse alors le rôle de pont pour palier ce décalage de vécu. Loin de véhiculer un discours fataliste, Solastalgie appelle à l’action pour protéger les paysages auxquels on tient. A l’image de sa couverture très colorée, le podcast est porteur d’espoir et de positivité.
Crédit : Interview de Flora Trouilloud par Coline Champéroux.
Article rédigé par Coline Champéroux