Vous pensiez avoir tout vu dans la panoplie des différentes méthodes de chasse, entre chasse à courre, en enclos, à la glue, ? Eh bien non, il y a toujours plus cruelle : la vénerie sous terre. C’est une pratique de chasse (légale, sinon c’est pas drôle), qui consiste à acculer les blaireaux jusqu’au fond de leur terrier par des chiens, puis de les déterrer avec des pinces, avant de les tuer. Les renards sont également victimes de cette technique de chasse.
Les chasseurs laissent derrière eux des groupes sociaux détruits, des animaux traumatisés et un écosystème ravagé.
Le blaireau est peint comme un animal qui pullule, envahit nos campagnes et est porteur de maladies. Il serait donc totalement légitime de lui faire vivre un tel cauchemar.
Les impacts nocifs des blaireaux : des clichés qui ont la vie dure
Les blaireaux seraient apparemment en surnombre. Pourtant, une femelle sur trois met au monde environ deux bébés par an, et la moitié n’atteindront jamais l’âge adulte à cause d’autres facteurs à risque : collisions routières, expansion urbaine ou encore modifications du paysage. Pour le moment aucune étude n’a démontré que le blaireau était en surpopulation. Pas de quoi s’affoler.
De plus, les blaireaux seraient vecteurs de la tuberculose bovine, maladie d’origine agricole, transmissible aux animaux sauvages. Il serait donc nécessaire de les tuer pour éviter toute contamination. Pourtant c’est tout le contraire, le déterrage de blaireaux augmente le risque de contamination à cause des risques de morsures entre les chiens et les blaireaux, puis le contact entre chiens et chasseurs. C’est pourquoi le 7 décembre 2016, un arrêté ministériel a interdit, dans les zones à risque, « la pratique de la vénerie sous terre pour toutes les espèces dont la chasse est autorisée en raison du risque de contamination pour les équipages de chiens ». De plus, la France est considérée comme « officiellement indemne de la tuberculose bovine » par l’Union Européenne depuis 2001.
Enfin, les blaireaux occasionneraient des dégâts aux cultures, bien que ces dégradations soient rarement chiffrées ou si elles le sont, sont largement exagérées. En Grande-Bretagne par exemple, où la densité de blaireaux est plus forte qu’en France, les animaux avaient détruit en une année seulement 0,25% des terres agricoles.
L’autre argument préféré des chasseurs est que cette technique de chasse permet, entre autres, de participer aux travaux et aux recherches relatifs à cette espèce. Évidemment les chasseurs ne produisent aucune étude sur le sujet (tiens, tiens…).
Les blaireaux, ces animaux sentients aux grandes capacités.
Au-delà de ces arguments fallacieux, les blaireaux sont des animaux sentients (sensibles et conscients) mais sont peu étudiés d’un point de vue cognitif, ce qui arrange bien les chasseurs. Mis à part le fait que tout être vivant, quel qu’il soit, doit être respecté, au-delà de ses capacités cognitives, cette espèce joue un vrai rôle dans l’équilibre des écosystèmes. L’humain est donc directement impacté par le bien-être des animaux sauvages.
Les blaireaux, en chassant, retournent la terre et permettent donc une bonne aération des sols, propice à leur bon développement. De plus, ils permettent la dissémination de graines grâce à leurs excréments et participent à la régulation de petits animaux en tout genre (rats, souris, mulots, hannetons, nids de guêpes, etc.).
Les blaireaux sont également ce qu’on appelle une espèce-ingénieur. Leur terrier peut s’étendre sur plusieurs hectares et jusqu’à 5 mètres de profondeur. Tout est pensé dans le terrier pour permettre une structure résistante. La végétation environnante est prise en compte dans la construction de leur habitat, car les racines permettent de garantir un ouvrage solide. Chaque galerie est destinée à un usage spécifique, comme des dortoirs et des salles de naissances. Et chez les blaireaux, pas question de laisser le ménage de côté, cette espèce a une hygiène irréprochable. Les habitants du terrier aèrent leur litière et les renouvellent dès que possible avec de la mousse et de la végétation cherchée à la surface.
Le combat des associations pour protéger les blaireaux.
Vous l’aurez compris, le blaireau ne mérite pas ce sort-là (comme aucune autre espèce d’ailleurs). C’est pourquoi les associations de protection animale se sont battues, faisant interdire en 2014 les championnats de déterrage, en proposant une loi en 2020 interdisant cette pratique, puis en lançant, en mars 2022, une pétition contre le déterrage de blaireaux. En six mois, les 100 000 signatures requises pour que le Sénat étudie la demande, ont été récoltées ! Un rapport a été par la suite dévoilé le 29 mars 2023. Malgré quelques mesures proposées par le Sénat : augmenter le nombre de contrôles, création d’une journée de formation obligatoire dispensée par les fédérations de chasse (oui oui), l’ASPAS dénonce un véritable déni de démocratie.
Grâce à son travail, l’ASPAS a pu faire suspendre ou annuler une dizaine d’arrêtés préfectoraux qui autorisaient une période supplémentaire de déterrage. En effet, la saison de chasse générale court de septembre à février, mais des exceptions peuvent être faites pour la vénerie sous terre des blaireaux.
Des victoires récentes s’ajoutent à ce combat, puisque le tribunal de Caen a suspendu les périodes complémentaires de chasse dans la Manche et dans l’Orne. Il en est de même pour les Pyrénées-Atlantiques, la Haute-Vienne. Le tribunal administratif de Toulouse a pris la même décision en suspendant la période complémentaire de chasse en raison de l’impact sur “de jeunes individus nécessaires au renouvellement de l’espèce”.
Que dit la loi sur la protection des blaireaux ?
Tout d’abord, le blaireau est une espèce protégée par la convention de Berne de 1979, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. La convention n’autorise leur chasse seulement si les effectifs de la population sont connus. Ce n’est pas le cas en France.
De plus, cette pratique est incompatible avec l’article L424-10 du Code de l’Environnement qui dispose que « il est interdit de détruire, d’enlever, de vendre, d’acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée, sous réserve des dispositions relatives aux animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ». Or, la vénerie sous terre des blaireaux se pratique entre mai et septembre, période où les blaireautins peuvent encore être allaités et sont dépendant de leur mère pour se nourrir. Rappelons que le blaireau n’est pas considéré comme une espèce susceptible d’occasionner des dégâts (anciennement nuisibles). C’est grâce à cet argument que les arrêtés préfectoraux ont pu être suspendus ou annulés.
L’exemple du déterrage de blaireaux montre encore que l’humain a choisi de vivre contre la nature plus qu’avec elle, alors que des solutions pour coexister existent et que nous ne faisons plus l’effort de comprendre la nature qui nous entoure.
Rédactrice : Marie Ehrhardt
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Sources : France Nature Environnement, ASPAS, Sénat, AVES