Les oiseaux migrateurs parcourent chaque année des milliers de kilomètres, et ce, depuis des milliers d’années. Cette migration annuelle est désormais perturbée. Les premiers responsables ? Les activités humaines et le dérèglement climatique ! Explications sur ce phénomène.
Qu’est-ce que la migration ?
Dès l’automne, quelques millions d’oiseaux s’envolent vers le sud, à plus ou moins grande distance, en quête de proie, de végétaux et de températures plus agréables. Au printemps, ils effectuent le voyage inverse pour atteindre leur zone de reproduction située plus au nord. La migration est un cycle annuel.
Chaque départ à un coût énergétique auquel les oiseaux se préparent en faisant des réserves stockées, sous forme de graisse. Ces stocks sont nécessaires pour arriver à faire tout le trajet. Le chemin de migration est propre à chaque espèce. En fonction de leur morphologie (ailes, queue, taille, plume) et des obstacles (montagnes, océans, déserts, glaciers) le parcours sera différent. Par exemple, le Sahara est pour beaucoup un arrêt dans leur migration, à peine 1/3 des espèces migratrices hivernant en Afrique passent cette barrière. Également, la migration peut être diurne et/ou nocturne. Celle-ci apporte de nombreux avantages pour certains oiseaux tels qu’un air frais et plus dense, des vents plus faibles, des turbulences verticales plus rares.
Les distances de migration peuvent varier de centaines à des milliers de km en fonction des oiseaux. La sterne arctique est la formule 1 des oiseaux migrateurs. Avec à peu près 70 000 km aller-retour, elle détient le record de la plus longue distance parcourue. De l’Arctique à l’Antarctique, elle effectue un sacré périple !
Effectuer un si long voyage a toujours comporté des risques tels que la prédation d’autres oiseaux (principalement pour les passereaux), le vent car il déporte les oiseaux et ces derniers ne changent pas toujours leur direction de vol en fonction ou encore le brouillard, les oiseaux peuvent se mettre à voler en zig zag ou de manière circulaire ce qui les épuise.
Néanmoins, les risques de ces traversées migratoires se sont accentués avec le temps au point que certaines espèces s’adaptent ou pire, disparaissent. L’espèce la plus menacée à l’heure actuelle en Europe est le phragmite aquatique, il n’y a plus que 20 000 couples dans le monde.
Le dérèglement climatique, un acteur majeur de cette perturbation
Selon les nouvelles données du programme Copernicus (programme de l’Union européenne qui collecte et restitue des données de qualité et actualisées de manière continue portant sur l’état de la Terre), cette dernière décennie a été marquée par les années les plus chaudes pour les pays européens.
C’était sans compter sur l’année 2023 qui bat des records. Ce réchauffement climatique que nous observons depuis plusieurs décennies entraîne des hivers plus doux, permettant la prolongation ou l’arrivée précoce de conditions favorables pour les oiseaux. Certaines espèces, comme la cigogne noire, qui avaient l’habitude de faire des migrations transsahariennes, hivernent finalement en Europe du Sud. Les individus ayant modifié leur trajectoire restent néanmoins minoritaires. Depuis 30 ans, cette arrivée précoce atteint 5 à 12 jours en fonction des espèces. Or, si l’arrivée des oiseaux migrateurs en zone de reproduction ne coïncide pas avec le pic d’émergence des insectes, la mortalité dans les nichées peut être drastique. A terme, cela pourrait nuire fortement à leur avenir et conduire peut-être à des extinctions, au moins locales. D’autant que 80% des insectes ont disparu en 30 ans, un apport crucial de leur régime alimentaire est en train de disparaître, rendant difficile cette quête de nourriture.
D’une manière analogue, les changements climatiques peuvent induire des périodes de sécheresse importantes et de déficit pluvial. L’élargissement de la ceinture désertique saharienne augmente les trajets à parcourir. Or les migrateurs sont « programmés » pour une certaine distance, au-delà de laquelle, faute de « carburant », ils doivent se poser. Par exemple, la fauvette des jardins est en déclin et c’est partiellement dû à cette distance accentuée pour rejoindre sa zone d’hivernage.
Le dérèglement climatique accentue également les aléas climatiques. Il y a des tempêtes de plus en plus fréquentes, ce qui était déjà considéré comme un risque pour les migrateurs. Les oiseaux marins font face à des tempêtes hivernales qui sont plus fréquentes et plus violentes en Atlantique Nord, en plein dans la trajectoire de migration de ces oiseaux.
Les activités anthropiques, sources d’obstacles
Le développement humain perturbe la migration. Des hécatombes sont constatées autour des phares, la lumière les attire et ils tournent autour jusqu’à mourir d’épuisement. La pollution lumineuse des villes est responsable de nombreuses collisions. Les lignes électriques sont sources d’électrocution pour les grands migrateurs tels les rapaces ou les grues. Les éoliennes, si implantées sur des chemins de migration, représentent un obstacle mortel pour les migrateurs nocturnes. La chasse tue à peu près 17 millions de migrateurs par an en France. L’expansion des villes et des cultures intensives qui détruisent et appauvrissent les paysages et donc les haltes de migration se font plus compliquées à trouver. Et enfin, la surpêche réduit les rations de poissons pour les oiseaux en vol.
Pour l’instant, la décision de devenir sédentaire ou de raccourcir sa migration est propre à chaque oiseau. « Ce qui régit cette décision n’est pas forcément connu mais on peut faire l’hypothèse que la condition physique au moment du départ joue un rôle. Habituellement, et l’immense majorité du temps, les oiseaux qui ne migrent pas meurent. Mais s’ils survivent, cela peut entraîner de nouvelles stratégies de migration l’année suivante. Les hivers doux qui se succèdent permettent ainsi à cette stratégie de perdurer » a témoigné Jérémy Dupuy, ornithologue à la Ligue de protection des oiseaux (LPO), dans son article avec Natgeo.
Alors oui c’est certains, beaucoup d’oiseaux “perdent le nord” face à tous ces facteurs. La migration se complexifie, devient de plus en plus dangereuse. L’adaptation est de mise pour certaines espèces, pour d’autres elle est plus lente, ce qui cause des dommages irréparables. Ces 20 dernières années, entre 20 et 50% des oiseaux migrateurs ont disparu.
Rédactrice : Louise Di Betta