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L’écologie et la résistance civile en Iran : entretien avec Kosfinger et Kian Habibian

L’Iran est un pays où les luttes sociales et politiques se mêlent souvent à des préoccupations environnementales pressantes. C’est autour de ce croisement que s’est construit la troisième partie de l’entretien avec Kosfinger, producteur de rap russo-iranien basé à Londres, et Kian Habibian, militant pour les droits humains et co-fondateur de l’association We Are Iranian Students. L’entretien peut être retrouvé sur nos réseaux sociaux également, pour aller plus loin. 

L’Iran fait face à des enjeux environnementaux majeurs qui ont des répercussions directes sur la vie de ses habitants. Lors de notre entretien avec Kosfinger, producteur de rap russo-iranien basé à Londres, et Kian Habibian, militant pour les droits humains notamment étudiants en Iran, basé à Paris, l’accent a été mis sur l’urgence de la crise écologique, en particulier la crise de l’eau et la pollution atmosphérique, qui sont devenues des symboles de la résistance civile en Iran. En se basant sur les textes engagés du rappeur iranien Toomaj, l’échange a permis de mettre en lumière un point crucial : l’importance des luttes écologistes en Iran et la manière dont elles s’enracinent dans la résistance civile, artistique et politique.

La crise de l’eau : une menace grandissante

Kian Habibian a évoqué la crise de l’eau en Iran, un problème crucial qui touche tout le pays. Le pays traverse une sécheresse aiguë depuis plusieurs années, et les nappes phréatiques s’épuisant à un rythme alarmant. « La gestion de l’eau en Iran est catastrophique », explique Kian, “même si de nombreux spécialistes mettent en place des plans d’aménagement, ils restent dans les tiroirs du régime”. L’Iran, qui compte parmi les pays les plus arides du monde, voit sa situation se détériorer chaque année à cause de la surexploitation des ressources en eau, des canaux mal gérés, une corruption généralisée et des politiques agricoles inefficaces. Le symbole de cette mauvaise gestion de l’eau est le barrage : un nombre record d’inauguration de barrages a en effet été atteint depuis les années 2000, alors même que les réserves d’eau des barrages ne cessent de diminuer.

Les principales régions affectées par cette crise sont le plateau iranien et ses vastes zones agricoles, où l’eau souterraine est pompée de manière excessive, ce qui assèche les rivières et dégrade les terres agricoles. Cette pénurie d’eau a un impact direct sur les populations rurales qui dépendent de l’agriculture pour leur survie. Mais le problème ne se limite pas aux zones rurales : les grandes villes comme Téhéran subissent également des pénuries d’eau en raison de la forte demande d’eau potable et des infrastructures vieillissantes.

« Il est difficile de parler de développement durable quand la ressource la plus essentielle, l’eau, devient un luxe inaccessible », précise Kian. Cette crise a des répercussions sur la vie quotidienne des Iraniens, qui sont confrontés à des coupures d’eau régulières et à l’assèchement de leurs puits. La tension autour de l’eau devient ainsi une question politique centrale, car elle touche aussi bien les communautés que les systèmes de gouvernance.

La pollution atmosphérique : un fléau silencieux

Mais la crise écologique ne se limite pas à la gestion de l’eau. La pollution atmosphérique en Iran est également un sujet de grande inquiétude. Téhéran, la capitale, est l’une des villes les plus polluées au monde, avec des niveaux de pollution de l’air qui dépassent régulièrement les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Les raisons de cette pollution sont multiples : l’utilisation massive de véhicules anciens, la mauvaise qualité du carburant, et l’industrialisation rapide sans régulation environnementale adéquate.

Les habitants de Téhéran vivent souvent dans un épais brouillard de smog, ce qui engendre de graves problèmes de santé, notamment des maladies respiratoires. Kian Habibian et Kosfinger dans leurs analyses, ont rappelé que la pollution de l’air est devenue une forme de violence invisible contre la population. Les enfants, les personnes âgées et les malades sont particulièrement vulnérables, mais l’impact de la pollution se ressent également sur l’économie et le bien-être général de la population.

Kosfinger souligne que cette situation dramatique pousse de plus en plus de jeunes Iraniens à se mobiliser. « Les gens n’attendent plus que les autorités agissent. Ils prennent les choses en main, à travers des actions locales, comme le nettoyage des rues, ou des projets pour sensibiliser à la pollution et à l’écologie ». Ce phénomène est particulièrement visible dans la culture populaire iranienne, où des artistes comme le rappeur populaire Toomaj utilisent leurs paroles pour dénoncer ces injustices environnementales et inciter à l’action.

Résistance civile : un acte de survie et de dignité

L’un des aspects marquants de cet entretien a été la discussion sur la manière dont ces luttes écologiques se croisent avec des formes de résistance civile. Kian Habibian a partagé l’exemple marquant de la réaction des Iraniens après l’arrestation du rappeur Toomaj. En signe de protestation et de solidarité, des Iraniens ont spontanément planté des arbres avec le visage de Toomaj placardé dessus ou ses textes gravés sur les branches, un geste symbolique qui fait écho à l’importance de la nature dans la culture iranienne, particulièrement dans les traditions zoroastriennes, qui valorisent l’équilibre avec la nature. Ces actes de résistance, bien que pacifiques, sont un puissant moyen de montrer l’opposition face à un régime qui n’a pas su répondre aux besoins écologiques urgents de la population.

[check photo quand je parle sur le réel 3 iran écologie avec l’arbre et le visage de Toomaj, c’est Clément qui a la version originale de la photo]

Kosfinger a ajouté que la situation en Iran ressemble à une « cocotte-minute prête à exploser », et que chaque forme de mobilisation, qu’elle soit culturelle, musicale ou civile, permet de maintenir la pression et de rappeler à l’opinion internationale l’urgence des problèmes écologiques et des droits humains en Iran.

L’espoir dans la jeunesse

Mais au-delà des crises politiques et écologiques, il y a une grande volonté populaire de changement. Kosfinger a insisté sur le fait que les jeunes Iraniens ont un rôle clé à jouer : « N’importe qui peut avoir une voix qui porte. Les jeunes se servent de la musique, de l’art, des réseaux sociaux pour sensibiliser le monde entier à la situation en Iran ». Cette génération, plus connectée que jamais, fait face à des défis immenses, mais elle trouve dans la mobilisation écologique un terrain d’union pour ses luttes sociales et politiques.

Protesters in Berlin, Germany, in April 2024 rally against the death sentence handed down by Iranian courts to rapper Toomaj Salehi. 
Babak Bordbar/Middle East Images/AFP/Getty Images

Ainsi, la crise de l’eau et la pollution atmosphérique ne sont pas seulement des défis environnementaux, mais des symboles de la résistance civile en Iran quand ils sont mobilisés dans des textes : ces crises sont les symptômes de ce que dénoncent les gens, les symptômes d’un régime islamique en crise, loin des préoccupations actuelles du peuple. Elles montrent comment la jeunesse iranienne, soutenue par des artistes comme Toomaj et des militants, parvient à allier son combat pour l’environnement à une lutte plus large pour la dignité humaine et la justice sociale.

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