Présent sur nos tables à Noël, Pâques, aux anniversaires, pour un plaisir gourmand, les occasions ne manquent pas pour en manger, et sous toutes ses formes : pain au chocolat pour un petit-déjeuner gourmand, gâteaux pour un dessert sucré, quelques carrés pour le goûter, etc… Mais saviez-vous qu’il est la 3ème source de déforestation ?
La gourmandise, destructrice de forêts
Selon all4trees, environ 3 millions de tonnes de chocolat sont consommés dans le monde chaque année dont 60% en Europe. Pour répondre au plaisir des consommateurs, les forêts tropicales sont détruites au profit de cultures intensives de cacaoyers. La production de chocolat est ainsi la première cause de déforestation en Afrique de l’Ouest avec comme peloton de tête le Ghana et la Côte d’Ivoire. Ces deux pays sont les deux principaux producteurs (60%). Ils ont perdu une superficie de forêt équivalant à une ville comme Madrid.
La Côte d'Ivoire, premier producteur de cacao vidée de ses forêts
Le rapport sur le chocolat de Mighty Earth publié en 2022 fait état d’une déforestation de plus en plus intense. Depuis janvier 2019 (date de publication des plans détaillés de l’Initiative Cacao et Forêts), la Côte d’Ivoire a perdu 2,3 fois plus de forêts qu’entre 2011 et 2017. Ces trois dernières années, la Côte d’Ivoire a perdu 19 421 hectares de forêts, l’équivalent des îles Marshall.
Le constat est sans appel : les forêts primaires de Côte d’Ivoire ont presque entièrement disparu. Ils ne reste que quelques zones protégées : les aires et les parcs nationaux. Ces zones sont cependant aussi victimes de déforestation illégale.
Ainsi le parc national du Mont Péko de 34 000 hectares, a subi une importante déforestation : en 2020 il ne lui restait que 9 330 hectares de forêts.
La forêt de Goin-Débé n’est pas épargnée, elle est détruite à plus de 90%. Elle est également le lieu de conflits fonciers entre deux communautés d’autochtones depuis 2017. Afin de restaurer la forêt et d’apaiser les tensions, le gouvernement a lancé un projet d’aménagement agroforestier en 2021 en confiant 20 000 hectares aux populations locales. Plusieurs projets sont prévus : agriculture, maraichage et élevage associées à l’agroforesterie (association d’arbres, de cultures ou d’animaux sur une même parcelle).
Le Ghana, deuxième producteur suit l'exemple de la Côte d'Ivoire
Le rapport fait également l’état des lieux du couvert forestier du Ghana. Depuis la signature de l’ICF en 2019, le Ghana a perdu 3,7 fois plus de couvert forestier (données enregistrées en 2020) qu’entre 2001 et 2010. Ces trois dernières années, le Ghana a perdu 39 497 hectares soit un taux de déforestation de 3,9%.
Au Ghana, les parcs nationaux et aires protégées sont un peu mieux protégés qu’en Côte d’Ivoire mais pour combien de temps encore ?
Un rapport sur la déforestation du pays publié par Tropenbos International s’est intéressé aux images satellites des forêts de Krokosua, Sui River et Tano. Il montre que ces zones sont aussi touchées et doivent faire l’objet d’une meilleure protection.
De nombreuses parties prenantes sont au coeur des conflits liés à la déforestation : les exploitants qui souhaitent agrandir leurs exploitations et allument des feux qui se propagent, les entreprises d’abattage illicite d’arbres, les populations qui vivent au sein de ces forêts et qui construisent des villes et les autorités qui souhaitent restaurer la forêt.
Pour résoudre ces conflits, la solution ne serait-elle pas dans la prise de conscience des occidentaux ? En tant que principaux consommateurs de cacao, il serait judicieux de se questionner sur l’impact réel que nous avons quand nous consommons du chocolat, qui est un luxe et non pas une nécessité. A la vue de ses conséquences environnementales et sociales, il est de notre devoir de réduire notre consommation.
Quand la consommation de chocolat détruit la biodiversité et l'avenir des enfants
Quand le cacao fait disparaitre des espèces
La déforestation liée au cacao entraine la disparition de certaines espèces qui sont classées par l’UICN :
Quand l'industrie du chocolat s'enrichie au détriments des familles et de l'avenir des enfants
La grande majorité du cacao en Afrique de l’Ouest est produit par des petits exploitants. Il s’agit pour la plupart de familles très pauvres qui doivent faire face à des conditions de vies précaires : rareté des terres, insécurité alimentaire, manque d’accès à l’eau potable, accès limité à l’éducation et à des services de santé adaptés. Cette précarité entraine deux cas : les enfants qui « aident » leurs familles et les enfants vendus ou kidnappés.
La précarité de ces familles ne leur permettent pas d’envoyer leurs enfants à l’école ou seulement une partie. De plus, le travail étant pénible, ces familles ont souvent besoin de l’aide de leurs enfants. Ces conditions limitent l’accès à l’éducation chez les enfants des pays concernés et favorisent le travail des mineurs. Pour la survie de leur famille, ces enfants sont souvent privés de possibilités d’avoir un meilleur avenir que celui leurs parents.
Dans certains cas, les enfants peuvent également être vendus par leurs parents ou enlevés. Ils ont généralement entre 12 et 14 ans. Les trafiquants les revendent ensuite aux exploitants pour environ 230 euros. Ces enfants loin de chez eux et isolés sont exploités. Ils travaillent entre 30 et 56 heurs par semaine dans des conditions extrêmes et sans aucune rémunération. Le travail du cacao est particulièrement difficile et ils respirent des produits phytosanitaires qui sont toxiques pour la santé. Ils viennent souvent du Burkina Faso mais également du Mali, Niger, Nigéria, Bénin.
Selon l’International Cocoa Initiative, il y aurait 1,56 millions d’enfants travaillant dans la filière du cacao au Ghana et en Côte d’Ivoire mais sans qu’il ne soit considéré comme du travail forcé. Selon les estimations de Walk Free Foundation, le travail forcé concernerait moins de 1% des enfants vivant dans ces deux pays. Cependant ces chiffres sont à prendre avec précaution car il est très difficile d’évaluer le travail forcé ou non des enfants au sein de milliers de petites exploitations.
Dans le reportage sur le cacao d’Envoyé Spécial de 2019, nous apprenons que les industriels vendent pour 100 milliards de dollars de chocolat par an quand un cultivateur doit vivre avec moins d’1 euro par jour. La solution se présente d’elle-même : que les industriels réduisent leurs marges et rémunèrent correctement les familles productrices de cacao.
Et les entreprises ?
Une coalition mondiale de défenseurs de l’environnement et de la justice sociale dont Mighty Earth, Be Slavery Free, etc.. ont élaboré un rapport avec un tableau de bord pour évaluer toute la chaine de production des principaux industriels. Ils reçoivent des notes selon des critères précis :
- Traçabilité et transparence
- Revenu de subsistance
- Travail des enfants
- Déforestation et climat
- Agroforesterie
- Gestion agrochimique
Ces notes sont attribuées de façon sous forme d’oeufs de couleurs différentes :
Que dit ce rapport ?
Il attribue deux prix : celui du « bon oeuf » décerné à l’entreprise Beyond Good pour son modèle commercial qui garantit le respect des personnes et de la planète et celui de « l’oeuf pourri » à Storck (Werther’s, Merci, Toffifay) pour son manque de transparence et son attitude déraisonnable.
Des mentions spéciales sont aussi décernées. Cette année le rapport souligne les progrès effectués par Nestlé pour améliorer le revenu des agriculteurs. L’entreprise s’est aussi engagée à planter 2,8 millions d’arbres d’ombrage d’ici fin 2022. Il félicite aussi Ferrero qui rejoint les entreprises dont le cacao est en grande majorité certifié.
Plus concrètement, le tableau de bord classe les entreprises selon les critères vus plus haut avec les fameux oeufs colorés. Faisons le tour des entreprises que nous connaissons en France :
Dernière récompense et non des moindres, celle de l’oeuf cassé attribué à Starbucks Coffee et General Mills pour leur absence de réponse à l’enquête.
Que retenir ?
- Le cacao est la 3ème cause de déforestation dans le monde mais la 1ère en Afrique.
- Le cacao est responsable de presque toute la disparition des forêts en Côte d’Ivoire.
- De nombreuses espèces sont menacées d’extinction comme notre cousin, le chimpanzé.
- Le cacao est responsable du travail d’enfants. Ceux-ci sont privés d’école, d’éducation et donc d’un meilleur avenir.
- Les entreprises ont des engagements différents. C’est pourquoi en tant que consommateur, il est de notre devoir de consommer du chocolat provenant d’entreprises éthiques utilisant du cacao durable et responsable.
Rédacteur : Tiphaine Bergot