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L’acharnement de la justice iranienne contre le mouvement « Femme, Vie, Liberté »

L’Iran est revenu sur le devant de la scène internationale en 2022 suite au décès de Jinâ Mahsa Amini. Des révoltes ont touché l’intégralité du territoire iranien, et une répression acharnée s’en est suivie à l’encontre des militants. La première partie de notre entretien avec Kosfinger, un producteur de rap russo-iranien basé à Londres, et Kian Habibian, militant pour les droits humains et co-fondateur de l’association We Are Iranian Students, basé à Paris, discute cette thématique. L’entretien peut être retrouvé sur nos réseaux sociaux également, pour aller plus loin. 

L’acharnement de la justice iranienne : Toomaj, un symbole de la répression 

La révolte Femme, Vie, Liberté, qui secoue l’Iran depuis la mort de Mahsa Amini en 2022, a mis en lumière l’intensification de la répression par le régime iranien contre ses citoyens, en particulier contre les artistes qui utilisent leur art pour dénoncer l’injustice et appeler au changement. Parmi les symboles les plus marquants de cette répression se trouve Toomaj, un rappeur iranien dont les textes engagés ont fait de lui une cible privilégiée du système judiciaire iranien. À travers l’exemple de Toomaj, il est possible de comprendre l’acharnement du régime, les abus des institutions de justice iraniennes et la volonté de faire taire toute forme d’opposition, dans le contexte des manifestations Femme, Vie, Liberté.

Des manifestants assistent à un rassemblement contre la condamnation à mort prononcée contre Toomaj Salehi, un rappeur populaire en Iran, et pour soutenir les femmes iraniennes, à Berlin, en Allemagne, le 28 avril 2024.

Toomaj : une voix dissidente brisée par le régime

Toomaj, connu pour ses prises de position radicales contre la corruption du gouvernement iranien et ses appels à la révolte sociale, est devenu l’une des figures de proue du mouvement de résistance en Iran. Mais cette voix qui porte ne plaît pas au régime. En 2022, après avoir publié plusieurs chansons de protestation, Toomaj a été arrêté sous des accusations graves, dont « corruption sur Terre » – une accusation largement utilisée pour condamner à mort ceux jugés responsables de troubles contre l’État. Ce n’est pas seulement son rap engagé qui a mis Toomaj en danger, mais aussi son rôle dans les manifestations de masse qui ont éclaté en Iran suite à la répression violente du gouvernement contre les femmes et les jeunes.

Toomaj Salehi évoque dans ses textes sans concession les problèmes quotidiens en Iran.
©Hosseinronaghi

« L’Iran est comme une cocotte-minute prête à exploser, et mes chansons reflètent la colère du peuple », avait-il déclaré dans sur ses réseaux sociaux peu avant son arrestation. Ses textes, qui abordent des thèmes comme l’injustice sociale et écologique, la pauvreté, la corruption, et la répression, ont trouvé un écho puissant auprès de la population iranienne.

Une justice instrumentalisée : l’acharnement judiciaire

Le cas de Toomaj est un exemple parmi d’autres des dérives du système judiciaire iranien, qui semble avoir pour seul but de briser toute forme d’opposition. Dans son cas, l’usage de la peine de mort, puis la révision de cette sentence, n’a fait qu’illustrer l’ampleur de la répression. Après avoir été menacé d’exécution, Toomaj a vu sa condamnation commuée, mais il reste en prison dans des conditions inhumaines, victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques. L’objectif est clair : faire taire ceux qui, à travers leur art, expriment la révolte du peuple.

« Les procès sont expéditifs, et souvent, il n’y a même pas de véritable défense », explique Kian Habibian, militant pour les droits humains. 

« La justice est utilisée comme un outil pour maintenir l’ordre du régime et réprimer toute contestation. Dans le cas de Toomaj, sa musique a été vue comme une menace plus grande que ses actes. » Les accusations portées contre Toomaj, comme « atteinte à la sécurité nationale » ou « incitation à la violence », sont des prétextes utilisés pour justifier l’arrestation et la répression de ceux qui osent prendre la parole contre le régime.

L’art comme résistance : les textes de Toomaj

Les chansons de Toomaj ont joué un rôle crucial dans la révolte Femme, Vie, Liberté. À travers des paroles poignantes et directes, il a su articuler la souffrance et la colère du peuple iranien face à la répression. Par exemple, dans son morceau « Fadaiye Khodi » (« Je me sacrifie »), Toomaj écrit :

« Je me sacrifie pour mon peuple, pour ceux qui sont enchaînés,
Pour ceux qui se battent pour la liberté, pour ceux qu’on a torturés. »

Ces paroles résument bien l’engagement du rappeur et l’importance de son message dans le contexte des manifestations qui ont défiguré le pays. Dans d’autres morceaux, Toomaj n’hésite pas à dénoncer directement le régime, comme dans « Dard o Dele Man » (« Ma douleur, mon cœur ») où il rappe :

« Tant de mensonges et de trahisons, j’ai vu des gens mourir pour un avenir,
Mais ces tyrans continuent à voler nos rêves et nos vies. »

Ces textes ne sont pas seulement des critiques sociales ou politiques ; ils incarnent un cri de résistance, une forme de résistance créative face à la tyrannie. Toomaj ne se contente pas de dénoncer les injustices, il appelle aussi à l’action, et c’est là que réside la force de son art. Ses paroles, riches en métaphores et en symboles, inspirent des millions de jeunes Iraniens à s’opposer à la répression.

La répression de la révolte Femme, Vie, Liberté

La révolte Femme, Vie, Liberté, qui a éclaté en 2022, s’est inscrite dans une dynamique plus large de lutte contre l’oppression du peuple iranien. Ce mouvement a été déclenché par la mort de Mahsa Amini, mais il représente avant tout un rejet des politiques du régime, qui opprime non seulement les femmes, mais aussi l’ensemble de la population. 

Les artistes, en particulier les rappeurs comme Toomaj, ont joué un rôle crucial dans l’accompagnement de cette révolte. Leur musique est devenue un outil de mobilisation, un cri de ralliement pour ceux qui luttent pour la liberté et la dignité.

Les autorités iraniennes, de leur côté, ont fait face à ce soulèvement en durcissant la répression. Les arrestations, les violences policières, et les procès arbitraires sont devenus monnaie courante. Mais l’art, loin de se soumettre, continue d’alimenter le feu de la révolte. Comme le souligne Kosfinger : « Les artistes comme Toomaj sont des témoins et des acteurs de ce changement. Leur art est une résistance, et même en prison, ils continuent à incarner cette révolte. »

L’art comme symbole d’espoir

Le cas de Toomaj montre que l’art est devenu bien plus qu’un simple moyen d’expression en Iran : il est devenu un acte de résistance, une arme contre la répression. Malgré les menaces de mort et les mauvais traitements en prison, Toomaj, comme de nombreux autres artistes, a choisi de ne pas se soumettre. Il incarne la résilience d’un peuple qui refuse de se taire. « Nous ne cesserons pas de chanter, même si cela nous coûte la vie », a déclaré Toomaj dans l’une de ses dernières apparitions sur les réseaux sociaux avant sa deuxième arrestation. Ayant été libéré de prison, Toomaj a déjà fait de nouvelles apparitions sur les réseaux sociaux pour montrer qu’il continue la lutte symbolique, par ses prises de position et son art.

L’acharnement de la justice iranienne, qui utilise la répression judiciaire pour tenter de faire taire ceux qui osent défier le pouvoir, n’éteindra pas cette flamme. Au contraire, elle la nourrit, car chaque chanson, chaque texte, chaque mot porté par des artistes comme Toomaj renforce le mouvement Femme, Vie, Liberté, et montre au monde entier que la lutte pour la justice et la liberté en Iran est loin d’être terminée.

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