Après les feux record qui ont ravagé plus de 66 000 hectares de forêt l’année dernière, en France, la situation pour cet été inquiète. L’été se profile à l’horizon et, pourtant, les feux ont démarré bien avant. Les sécheresses qui ont déjà frappé le pays sont en grande partie responsables de la situation. On fait le point !
“Feu de forêt dans les Pyrénées-Orientales : plus de 930 hectares sont partis en fumée”, titrait le Journal du Dimanche. Une information très vite reprise en boucle par les médias mainstream. À la télé, les images s’enchaînent. Le bois craque, les branches s’enflamment, les animaux s’enfuient, les gens aussi : la forêt brûle.
L’information a cependant semblé se diluer dans le flot constant de l’actualité. Mais peut-on réellement passer à côté ? La date du journal devrait pourtant alerter : le 16 avril 2023. C’est-à-dire près de deux mois avant le début de la “saison des feux”, censée débuter en juin. Chaque année, les incendies démarrent plus tôt. Une réalité qui ne touche pas que la France : d’autres incendies se déclarent, comme en Espagne et au Canada.
À cette période de risque d’incendie étendu, s’ajoute l’intensité de ces derniers. L’incendie de Cerbère, près de la frontière espagnole, dans les Pyrénées-Orientales fait disparaître 930 hectares (ha) de forêt. Plus que l’ensemble des incendies déclarés en 2008, selon l’European Forest Fire Information System (EFFIS), qui avaient noirci moins de 900 hectares de terrains boisés.
Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estiment que “la probabilité de « feux de forêt de portée catastrophique » devrait augmenter entre 30% et 60% d’ici la fin du siècle.” De son côté, l’Organisation des Nations Unis (ONU) évoque “une augmentation de 14% à l’horizon 2030, 30% d’ici 2050 et 50% à la fin du siècle.”
L’année 2022 s’était démarquée par l’intensité de ses feux : 66 000 ha de forêt avaient brûlé. Cette année, le mois de juin pointe le bout de son nez et déjà 22 000 ha de forêt ont disparu selon l’EFFIS.
Quelle en est la cause ?
“En France, la foudre est l’unique cause naturelle de départ de feu et elle concerne en moyenne moins de 10% des départs. Cela signifie que 90% des incendies sont d’origine humaine” explique, sur le site de l’ONF, Jean-Louis Pestour, directeur de l’agence de Défense de la Forêt contre les Incendies (DFCI) et responsable national incendies de forêts pour l’Office national des forêts (ONF). En France, les volcans n’entraînent aucun feu de forêt, ces derniers étant endormis depuis longtemps.
Une information confirmée par le ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires qui précise, sur son site, que “9 feux de forêt sur 10 sont d’origine humaine, principalement par imprudence.” Le ministère précise qu’un mégot mal éteint, un barbecue allumé trop près de la végétation ou une étincelle peut “suffire à dévaster des hectares de forêts et de végétations en quelques minutes seulement.” Un mégot jeté peut d’ailleurs valoir une amende de 135 euros, amende qui peut être augmentée en cas de dégât comme des feux de forêt.
À l’imprudence de l’Homme, s’ajoutent les incidents techniques et/ou industriels. Un équipement public défaillant, une voiture en feu sur le bord d’une route, un pylône électrique qui s’effondre dans une gerbe d’étincelles ou une batterie restée trop longtemps au soleil peuvent résulter en un feu de forêt.
Dernière cause, et pas des moindres : la malveillance de certains. “Un tiers des incendies est volontaire” selon le directeur de la DFCI. Donc criminel.
Mais si aucune donnée ne semble aller dans le sens d’une augmentation des négligences et départs de feux volontaires, comment expliquer l’augmentation des feux de forêt ces dernières années ?
Réchauffement climatique : accélérateur du phénomène ?
En cause ? Le changement climatique. Jean-Louis Pestour explique que ce changement, qui s’accélère à un rythme sans précédent, peut “avoir une influence sur la surface et l’intensité du feu.” Ces dernières sont influencées par les réserves en eau du sol, l’état de sécheresse de la végétation, le taux d’humidité de l’air (hygrométrie de l’air), de la température et du vent.
Pour Cathy Clerbaux, physicienne de l’atmosphère et chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’histoire est plus complexe : “L’idée simple serait de dire que plus le climat se réchauffe, plus il fait sec. Et plus il fait sec, plus il y a de feux de forêt. Mais cela dépend aussi de l’entretien de la forêt, du type de végétation.”
Autre phénomène inquiétant : l’arrivée des scolytes, ces insectes qui creusent des galeries sous l’écorce des arbres, ravagent les forêts du Nord-est de la France. Grâce au changement climatique, ils ont pu s’installer en France. Ces insectes assèchent les arbres sur pied, augmentant ainsi les risques d’incendies dans le Grand-est.
L’assèchement des sols au même titre que celui de la végétation entraîne l’accumulation d’une biomasse sèche. Qui, à son tour, entraîne des feux de forêt toujours plus nombreux. Parce que oui, plus le bois est sec, plus il brûle.
“Ce phénomène va se caractériser par une succession d’années « normales » et d’années « extrêmes », avec des pics de sécheresse et de chaleur” explique Jean-Louis Pestour. Toujours selon l’EFFIS, si l’année 2022 a été marquée par un pic, au même titre que 2019, les années 2020 et 2021 ont moins brûlé.
Conséquence d’un phénomène en augmentation :
“Là, c’est clair !” s’exclame Cathy Clerbaux. L’Homme, non-content de réchauffer son climat, réussit maintenant l’exploit d’être la première raison de l’augmentation des risques de feux de forêt. Qui, à leur tour, participent au réchauffement climatique. Et donc à l’augmentation de leur propre fréquence et intensité.
“Les feux dégagent des fumées dans lesquelles il y a des gaz” explique la scientifique. “Notamment du Co2 qui est un gaz à effet de serre puissant, qui vient se rajouter dans l’atmosphère” De la même façon que l’activité humaine dégage du Co2, les grands feux ajoutent des quantités impressionnantes de gaz dans l’atmosphère, parfois comparable à certains pays.
Les surfaces brûlées, en plus d’avoir libéré les GES emprisonnés en son sein, ne peuvent plus jouer son rôle de “puits de carbone”. Elles mettent plusieurs années avant de pouvoir absorber, à nouveau, le carbone présent dans l’atmosphère. Il leur faut parfois jusqu’à 30 ans avant de faire leur travail à nouveau. Une croissance pouvant être ralentie par la chaleur et les sécheresses.
Le cercle est vicieux : le réchauffement climatique assèche les sols et augmente les températures, ce qui a pour résultat d’augmenter la fréquence et l’intensité des feux de forêts. Mais ces mêmes feux sont aussi un désastre pour le climat, dont ils accentuent le dérèglement, en rejetant dans l’air des gaz à effet de serre. Ils sont aussi à l’origine d’une baisse de la biodiversité : les tortues sauvages du Var ont pratiquement disparu de la région suite aux incendies. Une situation catastrophique sur tous les plans, à laquelle il nous faut impérativement remédier !
Article par Benoit Dupuis-Tordjeman