Connect with us

Actualités

Cop 29 : La réalité climatique devient une opinion plutôt qu’un fait

“La réalité climatique devient une opinion plutôt qu’un fait”, déplore Eva Morel, secrétaire générale de Quota Climat

La secrétaire de Quota Climat, Eva Morel, dans les locaux de la Climate House à Paris (2ème arrondissement), le mercredi 20 novembre 2024 / © Lucas Ciaravola

Pour la COP 29, plusieurs organisations, dont Quota Climat, ont adressé une lettre ouverte à ses participants, le jeudi 14 novembre 2024. Elles demandent aux décideurs politiques de lutter contre la désinformation climatique, via neuf mesures. Rencontre avec Eva Morel, secrétaire générale de Quota Climat.

 

Lucas Ciaravola : Pouvez-vous expliquer concrètement quelles sont les missions de Quota Climat ? 

Eva Morel, secrétaire générale de Quota Climat : Nous interpellons les médias sur nos réseaux sociaux pour souligner à la fois les pratiques qui sont favorables en matière de traitement des enjeux écologiques, innovantes ou particulièrement appuyées sur la science. A l’inverse, nous dénonçons les sujets qui relèvent de  la désinformation ou mettent en avant des récifs fallacieux, en ce qui concerne à la fois l’existence du réchauffement climatique, son origine humaine et les solutions que nous pouvons apporter à cette crise. 

 

E.M : Lorsque le philosophe Michel Onfray déclare sur Cnews que “l’Homme a un impact sur l’environnement, c’est indéniable, simplement on ne l’a pas mesuré », sans contradiction de la part des journalistes, nous réagissons. L’origine anthropique du réchauffement climatique a largement été prouvée par la science. Voilà notre mission initiale. Parallèlement, nous avons rédigé une proposition de loi qui a été récemment déposée à l’Assemblée Nationale par huit groupes parlementaires de bords politiques variés.

 

“Aux États-Unis, le climato-scepticisme est situé politiquement. Il commence à l’être en France”

 

L.C : Que savons-nous sur la médiatisation de l’écologie en France ?

E.M : Il existe la croyance selon laquelle il y a une inflation informationnelle sur l’environnement. Pourtant, l’Observatoire des médias sur l’écologie, auquel nous faisons partie, a observé une baisse de 30 % de la couverture médiatique des enjeux écologiques en France, entre 2023 et 2024. Or, les sciences sociales montrent que l’exposition répétée à une information crée une croyance. Cette dernière permet de façonner des comportements et opinions durables face à l’existence du dérèglement climatique.

 

L.C : Quelle couleur politique porte le climato-scepticisme ?

E.M : Contrairement à ce que nous pouvons penser, le climato-scepticisme est en hausse. Aujourd’hui, des personnes instrumentalisent l’écologie, d’un point de vue politique, pour en faire un sujet de campagne et rallier des gens à leur cause. Aux États-Unis, le climato-scepticisme est situé politiquement. Il commence à l’être en France. 

Quota Climat interpelle régulièrement des médias et personnalités publiques, sur son compte Linkedin. Voici un exemple de publication sur cette capture d’écran./© Lucas Ciaravola

 

Marion Maréchal a fait récemment des déclarations climato-sceptiques. De son côté, Jordan Bardella désinforme sur l’environnement, notamment sur les éoliennes ou sur la capacité de la France à pouvoir contribuer à l’action écologique mondiale. Sur un plateau de télévision, quand cette parole n’est pas contredite par les journalistes en direct, cela crée un doute et cause une perte de repères des auditeurs sur ces questions.

 

L.C : Pour la COP 29, vous publiez avec d’autres organisations une lettre ouverte à destination de ses participants. Vous alertez nos décideurs politiques sur la désinformation, qui selon vous, “fragilise” la lutte contre le réchauffement climatique. De quelle manière ce phénomène grippe-t-il ce combat ?

 

E.M : Ce genre d’attitude décrédibilise la science. Laisser penser que les scientifiques ne sont pas si représentatifs ou pas si crédibles que cela détruit la base de la démocratie que sont les faits et l’expertise. En France, nous avons un panel d’instances d’évaluation et d’experts qui permettent de prendre des décisions éclairées sur notre politique environnementale. Si nous commençons à émettre le doute sur l’origine de ces décisions, alors ces dernières perdent leur légitimité. La réalité climatique devient une opinion plutôt qu’un fait et alimente des intérêts partisans.

 

L.C : Dans ce même document, vous esquissez des solutions pour freiner cette désinformation. Vous souhaitez entre autres “empêcher” la monétisation des contenus trompeurs sur le climat. Quelle est votre marge de manœuvre pour appliquer cette mesure ?

E.M : Le Digital services act (DSA) est un règlement européen qui a été voté il y a deux ans et est entré en vigueur l’année dernière. Cette loi a notamment pour but de clarifier les règles de modération des contenus publiés par les plateformes. Si ces entreprises ne respectent pas ces règles, des procédures juridiques peuvent être initiées. C’est la législation la plus ambitieuse dans le monde pour réguler le contenu des plateformes. Or, la désinformation climatique n’est pas explicitement citée en tant que risque systémique dans ce règlement. Pourtant, elle possède un potentiel de déstabilisation très important. Nous militons pour un meilleur encadrement.

 

L.C : Il s’agit d’un règlement qui ne s’applique qu’à l’Union européenne. Les citoyens américains ne bénéficient donc pas de cette législation. Que faire ?

E.M : C’est la limite de la gouvernance mondiale, le monde fonctionne comme cela. Nous espérons un effet boule de neige. De cette manière, nous avons la possibilité de réhausser les normes, en commençant par faire bouger les nôtres.

 

Lucas Ciaravola

Data centers Data centers

 Les datas centers : un péril environnemental peu connu 

Actualités

L’écologie et la résistance civile en Iran : entretien avec Kosfinger et Kian Habibian

Actualités

AgroParisTech : Quand des étudiants dénoncent l’hypocrisie des entreprises invitées

Actualités

La résilience urbaine : transformer nos eaux usées en ressource grâce au bambou

Interview & Reportages

Connect